IEW-IEW
Une exploration des plaisirs, des jeux, des abandons et de tant d’autres pratiques communes dans les musiques de tradition populaires d’Italie et d’Occitanie méridionales. Par Enza Pagliara et Mànu Théron, chanteurs émérites et inventeurs de leurs traditions respectives.
Ieu et Ieu, en Marselhés et en Salentino, sont les pronoms personnels de la première personne du singulier, ceux par lesquels on se désigne mais aussi ceux qui définissent ou expriment volonté, action, pensée ou désir … Enza Pagliara et Manu Théron ont entretenu depuis quelques années une fréquentation mutuelle où le chant et les recherches sur la vocalité populaire occupent une place majeure.
Iew-Iew est une nouvelle occasion pour eux de partager ces connaissances, et pour tou.te.s l’opportunité d’apprécier ce que la familiarité des deux interprètes nous dit de la relation qui se perpétue entre les deux cultures musicales. Une place prépondérante y est apparemment conférée à la vocalité italienne, qui peuple et renouvelle l’imaginaire marseillais depuis le milieu du XIXè siècle. Pour bénéfique que puisse paraître cette contamination, elle n’empêche nullement la présence permanente d’éléments musicaux occitans, habitués autant aux stratégies de résistance qu’à la volonté de persistance. Ainsi se dessine une nouvelle géographie de peuples, de destins et d’imaginaires en mouvement et en re-composition continue, et c’est à la joie de ce renouvellement qu’ Enza Pagliara et Manu Théron nous convient.
Ils engagent dans cette rencontre des éléments irréductibles de leurs personnalités musicales, immiscibles, mais dont la mise en relation semble évidente tant ils procèdent des mêmes élans : construire l’autonomie culturelle d’un territoire en exprimant ce que son histoire musicale populaire a créé de plus fantasque ou de plus réjouissant ; le présenter sur des scènes prestigieuses ou intimes, et ne jamais transiger sur l’intégrité musicale, ni sur l’hommage à celles et ceux qui, avant nous, ont inventé la fantaisie et la singularité de leurs territoires ; inventer encore cette joie du quotidien, sans laquelle toute tradition se fige dans sa propre sanctuarisation, ou se dilue dans la neutralité du souvenir ; et, comme une offrande, communiquer et transmettre cette joie sans s’épargner ni plaisir ni bienfaits.